Montée des tensions protectionnistes entre les États-Unis et la Chine

Réaction économique
Amérique du nord

Le Président Donald Trump a annoncé le 22 mars une série de mesures protectionnistes visant spécifiquement la Chine.

Par ailleurs, dans son communiqué du 23 mars 2018, le Conseil européen réaffirme son attachement à un système commercial multilatéral fondé sur les règles avec une place centrale pour l’OMC et souhaite poursuivre les négociations en vue de la conclusion d’accords de libre-échange avec le Mexique et le Mercosur ainsi que l’entrée en vigueur très prochaine de l’accord conclu avec le Japon au cours de l’année 2017.

« La hausse des droits de douanes annoncée par l’administration Trump toucherait 10% du total des importations chinoises qui ont atteint 500 Mds$ en 2017. »

Sébastien Berthelot - Marie Thibout - Thomas Foicik

Etats-Unis : Importations par produits en provenance de la Chine (Mds $, valeur, NAVS)

 

L’administration Trump cible la Chine

« En 2017, près de 50% des importations en provenance de Chine consistaient en des machines et équipements électroniques. »

Sébastien Berthelot - Marie Thibout - Thomas Foicik

Le Président Donald Trump a franchi une nouvelle étape le 22 mars dans la montée en puissance du protectionnisme américain. Après l’annonce en début de mois d’une hausse des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium, l’administration Trump a dévoilé une série de mesures ciblant spécifiquement la Chine, principale source du déficit commercial américain. Ces dispositions visent à répondre à des pratiques commerciales considérées comme injustes touchant à la propriété intellectuelle, en vertu de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974. Ce texte permet, sans accord du Congrès, de prendre des mesures de représailles contre un partenaire commercial. Trois actions sont envisagées.

Premièrement, les Etats-Unis vont déposer une plainte auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) pour dénoncer les pratiques jugées discriminatoires de la Chine en terme de transferts de technologie. Deuxièmement, le Président Donald Trump a donné 60 jours au Secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin pour mettre en œuvre un plan pour restreindre les investissements chinois visant l’acquisition de technologies américaines. Le pays dispose déjà d’une instance, le Comité sur les Investissements Etrangers aux Etats-Unis (CFIUS), qui peut opposer son veto à des tentatives d’achats de technologies par des entreprises étrangères si elles représentent un risque pour la sécurité nationale. L’administration Trump souhaiterait élargir ces risques aux dommages économiques pour le pays. Enfin, le troisième volet de mesures consiste en l’application de droits de douane de 25% sur une liste de produits importés de Chine. Cette liste sera établie sous 15 jours par le département du commerce. Une période de 30 jours s’ouvrira alors durant laquelle l’administration Trump recueillera les commentaires et doléances des entreprises américaines. Au terme de cette période de concertation, le Département du Commerce fixera une liste définitive dans un délai non précisé. D’après les officiels américains, 1300 produits pourraient être concernés. Le communiqué de la Maison Blanche cite notamment les secteurs de l’aéronautique, des technologies de communication et de la machinerie. En 2017, près de 50% des importations en provenance de Chine consistaient en des machines et équipements électroniques. Plus particulièrement, la téléphonie représente 75 Mds$ d’importations, soit 16% des importations chinoises vers les Etats-Unis.

D’après les officiels de la Maison Blanche, ces nouvelles mesures douanières devraient s’appliquer sur un montant de 50 Mds$ d’importations chinoises (le Président Donald Trump a lui cité 60 Mds$). Ce montant correspond à l’estimation américaine du préjudice subi en raison des pratiques commerciales déloyales de la Chine. En appliquant un taux de 25%, et en supposant des flux commerciaux stables, les droits de douanes supplémentaires générés pourraient avoisiner 12,5 Mds$ (15 Mds$). En 2017, les importations chinoises aux Etats-Unis ont atteint près de 500 Mds$, sur un total d’importations de 2300 Mds$. Les nouveaux droits de douane envisagés par l’administration Trump toucheraient donc environ 10% des importations en provenance de Chine.

Le Président Trump qui entend réduire de 100 Mds$ le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine (375 Mds$ en 2017) a par ailleurs précisé que de nombreuses mesures supplémentaires pourraient suivre. Mais au-delà du niveau des importations en provenance de Chine, résultat de la vigueur de la demande interne américaine, le premier levier de rééquilibrage du déficit sera l’augmentation des exportations américaines vers la Chine, ce que n’a pas manqué de souligner le Secrétaire au Commerce Wilber Ross hier. Il pourrait s’agir là du principal objectif américain des négociations qui interviendront dans les semaines à venir entre les Etats-Unis et la Chine.

Etats-Unis : Balance Commerciale (Mds$, valeur, NAVS)

 

La réponse chinoise se veut pour l’instant mesurée

« La Chine a répondu à la hausse des taxes aux importations sur l’acier et l’aluminium entrée en vigueur aujourd’hui »

Sébastien Berthelot - Marie Thibout - Thomas Foicik

La Chine n’a pas pour l’instant annoncé de réponse directe aux nouvelles mesures de l’administration Trump. Toutefois, le ministère du commerce a publié aujourd’hui un communiqué répondant à la hausse des tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium annoncée le 8 mars et entrée en vigueur aujourd’hui. Cette hausse porte les tarifs à respectivement 25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium pour certains des partenaires commerciaux des EtatsUnis, dont la Chine, qui bénéficiait jusqu’à présent de tarifs sur ces types de biens inférieurs à 3% en moyenne. Ainsi, le ministère du commerce chinois signale que pour protéger les intérêts de la Chine il considérait la mise en place d’une hausse des tarifs douaniers sur 128 produits importés des EtatsUnis, qui représentent environ 3 Mds$ de produits importés. La liste de 128 biens inclut des produits alimentaires tels que les fruits, le vin, ou le porc, mais également les tubes d’acier et les produits en aluminium recyclé, et ne représenterait qu’un poids relativement faible des importations chinoises en provenance des Etats-Unis, à savoir moins de 2% d’entre elles. Les tarifs douaniers sur les fruits, le vin et les tubes en acier pourraient atteindre 15%, et ceux sur le porc et les produits issus d’aluminium recyclé atteindraient 25%.

La Chine semble adopter pour l’instant une posture relativement constructive en dépit de ces déclarations : selon l’agence de presse chinoise Xinhua, la hausse des tarifs à 15% ne sera appliquée que si les Etats-Unis et la Chine ne peuvent pas trouver d’accord sur leurs questions commerciales, et la partie concernant les droits de douane de 25% ne sera mise en place qu’après avoir analysé les impacts causés par les mesures de l’administration américaine.

Les exportations chinoises d’acier et d’aluminium et leurs produits vers les Etats-Unis ne représentent que 3% des exportations chinoises vers cette destination. De l’autre coté, la Chine est un partenaire important pour les Etats-Unis concernant l’aluminium (deuxième provenance des importations derrière le Canada), mais d’importance beaucoup plus faible concernant l’acier : les Etats-Unis importent ce type de produits majoritairement du Canada, du Brésil, de la Russie du Mexique ou encore du Japon. Certains de ces pays ont d’ailleurs été finalement exemptés des hausses de tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium.

Si la Chine ne semble pas montrer de velléité de renchérir en rentrant dans une guerre commerciale avec les Etats-Unis, qui serait coûteuse pour les deux partis, il est toutefois à noter que le gouvernement chinois n’a pas encore à ce stade répondu aux dernières mesures annoncées par l’administration Trump. Des nouvelles déclarations pourraient donc intervenir prochainement.

Etats-Unis : Importations d'acier, fonte et fer Etats-Unis : Importations d'aluminium

 

Une exemption temporaire pour les principaux partenaires

« L’Union européenne, tout comme le Brésil, l’Australie et la Corée du Sud, a obtenu une exemption temporaire de ce relèvement des droits de douane »

Sébastien Berthelot - Marie Thibout - Thomas Foicik

De l’autre côté de l’Atlantique, les chefs d’Etat et de gouvernement réunis lors du Conseil européen, ont regretté la décision prise par les Etats-Unis de relever les droits de douanes sur les importations d’acier et d’aluminium, arguant du fait que les motifs de sécurité nationale étaient une justification inappropriée aux problèmes de surcapacité du secteur.

Toutefois, les pays membres de l’Union européenne (UE) ont pris note du fait que les livraisons d'acier et d'aluminium en provenance de l’UE ont été temporairement exemptées de ces mesures, comme cela avait été le cas précédemment pour le Canada et le Mexique et plus récemment pour le Brésil, l’Australie et la Corée du Sud. L’UE souhaite désormais que cette exemption soit rendue permanente, au-delà du 1er mai 2018.

Au cours des dernières semaines, la commissaire européenne chargée du commerce, Cecilia Malmström, avait engagé l’épreuve de force avec l’administration américaine sur la question des relations commerciales. Cette dernière s’était dite prête à répliquer à l’introduction d’un relèvement des droits de douane. Les mesures évoquées par la Commission européenne visaient à répondre de manière proportionnée, le tout dans le cadre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La Commission européenne avait dévoilé son intention de déposer un recours auprès du mécanisme de règlement des différends de l’OMC, dont le délai de délibération, d’au moins trois ans, semblait peu adapté à une réplique immédiate. En même temps, des représailles ciblées sur des produits de consommation politiquement sensibles (jeans, bourbon, Harley-Davidson, etc.) pour un montant total de 2,8 Mds€ avaient été considérées comme moyen de pression pour infléchir la position américaine. Ce montant relativement limité reflète une estimation des répercussions économiques directes des mesures de D. Trump, ouvrant droit à des demandes de compensation auprès de l’OMC.

Par ailleurs, dans son communiqué du 23 mars 2018, le Conseil européen réaffirme son attachement à un système commercial multilatéral fondé sur les règles avec une place centrale pour l’OMC et souhaite poursuivre les négociations en vue de la conclusion d’accords de libre-échange avec le Mexique et le Mercosur ainsi que l’entrée en vigueur très prochaine de l’accord conclu avec le Japon au cours de l’année 2017.

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Rédigé par

Sébastien Berthelot, Marie Thibout et Thomas Foicik

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